[ cūḷa: court, moindre | hatthī: éléphant | pada: empreinte | upamā: allégorie ]
En utilisant une comparaison avec les traces laissées par un éléphant dans la forêt, le Bouddha explique qu'il ne faut pas accorder sa confiance –fût-ce au Bouddha lui-même– en se fiant aux signes extérieurs qui laissent penser qu'une personne est pleinement éveillée. On ne peut en définitive se fier qu'à sa propre expérience directe de la réalité.
Voir ce sutta dans son contexte original
(Introduction de Christian Maës)
En ce temps-là le Bhagavā
séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jeta.
Or comme le brahmane Jāṇussoṇi
sortait de Sāvatthi au plus fort de la journée dans un char tout blanc
tiré par des juments, il aperçut Pilotika l’errant qui
arrivait. Il lui demanda :
– D’où vient donc l’honorable
Vacchāyana au plus fort de la journée ?
– Je viens, vénérable, de chez
l’ascète Gotama.
– Que pense l’honorable
Vacchāyana de la sagacité dont fait montre l’ascète Gotama ? Le
considère-t-il comme un sage ?
– Qui suis-je, vénérable, pour
juger de la sagacité dont l’ascète Gotama fait preuve ? Seul son égal
pourrait juger de la sagacité de l’ascète Gotama.
– C’est par une bien grande
louange assurément que l’honorable Vacchāyana glorifie l’ascète Gotama !
– Qui suis-je, vénérable, pour
glorifier l’ascète Gotama ? Car ce sont les sommités qui glorifient
l’honorable Gotama, lui le meilleur des dieux et des hommes.
– Quelle raison a bien pu
trouver l’honorable Vacchāyana pour placer une telle confiance en
l’ascète Gotama ?
– Vénérable, quand un habile
traqueur d’éléphants pénètre dans une forêt à éléphants et qu’il y voit
une grande empreinte d’éléphant, longue et large, il peut en tirer la
conclusion qu’il s’agit certainement d’un grand éléphant. De même,
vénérable, j’ai vu auprès de l’ascète Gotama quatre signes qui m’ont
amené à conclure que le Bhagavā était un parfait Bouddha, que le
dhamma du Bhagavā était bien énoncé et que le sangha se trouvait sur
le bon chemin.
– Quels étaient ces
quatre signes ?
– J’ai vu, vénérable,
des sages de la noblesses, subtils, rompus aux débats, pénétrants,
habitués à détruire avec sagacité toutes les formes de croyances.
Ils apprenaient que l’ascète Gotama allait s’arrêter dans telle ville
ou tel village. Ils préparaient une question : “Nous irons
trouver
l’ascète Gotama pour lui poser cette question. S’il y répond de telle
façon, nous mettrons en évidence les défauts de sa réponse de telle
manière. Et s’il y répond de telle autre façon, nous mettrons en
évidence les défauts de sa réponse de telle autre manière.” Puis ils
apprenaient que l’ascète Gotama s’était arrêté dans la ville ou le
village prévu. Ils allaient trouver l’ascète Gotama, et l’ascète Gotama
les instruisait par un discours du dhamma, il les convainquait, les
enflammait et les exaltait. Quand ils étaient instruits par le discours
du dhamma, qu’ils étaient convaincus, enflammés, exaltés, ils ne
posaient même pas leur question à l’ascète Gotama. Comment auraient-ils
pu réfuter sa réponse ? Au contraire, ils devenaient disciples de
l’ascète Gotama. Quand j’eus vu ce premier signe auprès de
l’ascète Gotama, je suis arrivé à la conclusion que le Bhagavā était
un parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā était bien énoncé et que
le sangha se trouvait sur le bon chemin.
J’ai vu aussi,
vénérable, de sages brahmanes, subtils... (la
formule se répète à l'identique)
J’ai vu aussi,
vénérable, de sages maîtres de maison, subtils... (même
formule)
J’ai vu aussi,
vénérable, de sages ascètes, subtils... (même
récit jusqu'à) ... ils ne posaient même pas
leur question à l’ascète Gotama. Comment auraient-ils pu réfuter sa
réponse ? Au contraire, ils saisissaient cette occasion pour demander à
l'ascète Gotama de passer du foyer au sans-foyer, et l'ascète Gotama
les faisait passer.
Quand ils étaient
ainsi passés au sans-foyer, ils restaient solitaires, retirés,
vigilants, énergiques, résolus, et il ne leur fallait alors pas
longtemps
pour voir de leurs propres yeux, par connaissance directe, dans la
réalité présente, cet insurpassable Achèvement de la vie sainte pour
lequel les fils de bonne famille passent à juste titre du foyer au
sans-foyer, il ne leur fallait pas longtemps pour y accéder et y
demeurer. Ils disaient : “Nous allions auparavant à notre perte, nous
étions déjà presque perdus, car nous nous prenions pour des ascètes
alors que nous n’en étions pas, nous nous prenions pour des brahmanes
alors que nous n’en étions pas, nous nous prenions pour des Accomplis
alors que nous n’en étions pas. Mais à présent nous sommes vraiment des
ascètes, nous sommes vraiment des brahmanes, nous sommes vraiment des
Accomplis.” Quand j’ai vu ce quatrième signe auprès de l’ascète Gotama,
je suis arrivé à la conclusion que le Bhagavā était un parfait
Bouddha, que le dhamma du Bhagavā était bien énoncé et que le sangha
se trouvait sur le bon chemin.
C'est bien,
vénérable, parce que j’ai vu ces quatre signes auprès de l’ascète
Gotama que je suis arrivé à la conclusion que le Bhagavā était un
parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā était bien énoncé et que le
sangha se trouvait sur le bon chemin. »
À ces paroles, le brahmane
Jāṇussoṇi descendit de son char tout blanc attelé de juments, il
arrangea son vêtement de dessus sur son épaule, salua mains jointes
dans la direction du Bhagavā et s’exclama :
– Hommage au Bhagavā accompli et parfait Bouddha ! Hommage
au Bhagavā accompli et parfait Bouddha ! Hommage au Bhagavā accompli
et parfait Bouddha ! Puissions-nous un jour ou l’autre rencontrer
l’honorable Gotama. Puissions-nous avoir une conversation avec lui.
Par la suite, le brahmane Jāṇussoṇi alla trouver
le Bhagavā. Il échangea en arrivant des paroles courtoises avec le
Bhagavā puis conclut leurs salutations aimables et mémorables en
s’asseyant convenablement. Quand il fut bien assis, le brahmane
Jāṇussoṇi raconta au Bhagavā toute la conversation qu’il avait eue
avec Pilotika l’errant.
Alors le Bhagavā dit au
brahmane Jāṇussoṇi :
– Ainsi énoncée, brahmane,
l’image des empreintes d’éléphant n’est pas complète dans tous ses
détails. Écoute, brahmane, comment la compléter. Fais bien attention,
je vais
parler.
– Bien, vénérable, répondit le
brahmane.
Et le Bhagavā lui dit ceci :
– Quand le traqueur
d’éléphants pénètre dans la forêt à éléphants, brahmane, et qu'il voit
une grande
empreinte d’éléphant, longue et large, s’il est un habile traqueur, il
ne tire pas aussitôt la conclusion qu’il s’agit d’un grand éléphant.
Pourquoi ? Parce qu’il y a dans la forêt de
petites éléphantes qui laissent de grandes empreintes, et celle-ci
pourrait être la leur. Le traqueur avance donc plus loin.
En avançant plus loin
dans la forêt à éléphants, il voit de nouveau la grande empreinte,
longue et large, ainsi que des traces de frottement en hauteur. S’il
est un habile traqueur, il ne tire pas encore la conclusion qu’il
s’agit d’un grand éléphant. Pourquoi ? Parce qu’il y a dans
la forêt de grandes éléphantes brunes qui laissent de
grandes empreintes, et celle-ci pourrait être l'une des leurs. Le
traqueur avance encore.
En avançant encore
plus loin, il voit encore la grande
empreinte, longue et large, il voit les traces de frottement en hauteur
ainsi que de hautes lacérations causées par des défenses et de hautes
branches brisées. Mais s’il est un habile traqueur, il n’arrive pas
encore à la conclusion qu’il s’agit d’un grand éléphant. Pourquoi ?
Parce qu’il y a dans la forêt de grandes
éléphantes aux défenses divergentes qui laissent de grandes empreintes,
et celle-ci pourrait être la leur. Le traqueur avance toujours
plus.
En avançant toujours
plus dans la forêt, il voit la grande empreinte, longue et
large, il voit aussi les traces de frottement en hauteur, les
lacérations élevées causées par les défenses et les hautes branches
brisées, et il voit de plus, au pied d’un arbre ou à ciel ouvert, un
grand éléphant, marchant, debout, assis ou couché. Alors seulement il
arrive à la conclusion qu’il s’agit bien d’un grand éléphant.
De même, brahmane, un
Tathāgata apparaît dans ce monde, il est accompli, parfait Bouddha,
doué de science et de bonne conduite, bien-allé, connaisseur du monde,
suprême, cocher des mâles à dresser, maître des dieux et des hommes,
Bouddha et Bhagavā. Il voit de ses propres yeux, par connaissance
directe, ce monde avec ses dieux, ses Mâras, ses Brahmas, ses ascètes
et ses brahmanes, et cette humanité avec ses rois divins et ses hommes,
et il le proclame. Il enseigne le dhamma, bon au début, bon au milieu
et bon à la fin, avec le fond et la forme, et il montre la vie sainte
dans son intégralité et sa parfaite pureté.
Un maître de maison,
un fils de maison ou un natif de tel ou tel clan entend ce dhamma, et
ce dhamma lui donne confiance dans le Tathāgata. Et quand il a cette
confiance, il réfléchit : “Mon foyer est encombré et poussiéreux1
alors que l’errance se vit au grand air. Il n’est pas facile pour ceux
qui restent chez eux de mener la vie sainte dans son intégralité,
entièrement pure et polie comme une conque. Je ferais mieux de me faire
raser les cheveux et la barbe, de revêtir les robes safran et de passer
du foyer au sans-foyer.”
Par la suite, il
abandonne la masse de ses biens, grande ou petite, il abandonne le
cercle de ses connaissances, grand ou petit, il se fait raser les
cheveux et la barbe, il revêt les robes safran et passe du foyer au
sans-foyer.
Après ce passage, il
adopte l’entraînement et le mode de vie des moines. Il rejette la
destruction du souffle vital et s’abstient de détruire le souffle
vital. Il pose le bâton, il pose l’épée, il se contient, il est
compatissant et soucieux du bien-être de tout ce qui existe et respire.
Il rejette le vol et
s’abstient de prendre ce qui n’est pas donné. Il ne prend que ce qui
est donné, il n’aspire qu’à ce qui est donné, il reste pur de tout vol.
Il rejette les
conduites impures, il s’en écarte, mène une vie chaste et s’abstient
des relations sexuelles naturelles aux villageois.
Il rejette les
tromperies et s’abstient de tromper. Il dit la vérité, il persiste dans
la vérité et y persévère, il est digne de confiance et ne se joue pas
de son monde.
Il rejette les
paroles malveillantes et s’abstient de parler avec malveillance. Il ne
rapporte pas ici ce qu’il a entendu là-bas pour nuire à ceux-là, il ne
rapporte pas là-bas ce qu’il a entendu ici pour nuire à ceux-ci, il
réconcilie ceux qui sont brouillés, il réunit les réconciliés, il se
plaît à la concorde, se délecte de la concorde, se réjouit de la
concorde et prononce les paroles qui amènent la concorde.
Il rejette les
paroles dures ou grossières et s’abstient de parler grossièrement. Les paroles
qu’il prononce sont douces, agréables à l’oreille, elles vont au cœur,
elles sont courtoises, délicieuses et plaisantes pour le plus grand
nombre.
Il rejette les vains
bavardages et s’abstient de bavarder. Il parle en temps opportun, il
dit ce qui est, il parle de la réalité, il parle du dhamma, il parle du
vinaya, et ses paroles, dignes d'êtres retenues, sont opportunes,
argumentées, bien cadrées et utiles.
Il s’abstient de
détruire les plantes et les arbres. Il se contente d’un seul repas par
jour et s’abstient de manger la nuit ou en dehors du temps prescrit. Il
s’abstient de chanter, de danser et de jouer de la musique, il renonce
aux spectacles excitants. Il s’abstient de porter des guirlandes, des
parfums, du maquillage, des bijoux ou des cosmétiques. Il refuse les
lits grands ou élevés. Il refuse l’or et l’argent. Il refuse les grains
crus. Il refuse la viande crue. Il refuse les femmes et les jeunes
filles. Il refuse les esclaves, hommes ou femmes. Il refuse les
chèvres et les boucs. Il refuse les coqs et les cochons. Il refuse les
éléphants, les vaches, les chevaux et les juments. Il refuse les champs
et les terres. Il refuse de porter des messages. Il refuse d’acheter ou
de vendre. Il s’abstient de falsifier les poids, les monnaies ou les
mesures. Il s’abstient de frauder, de tromper ou d’escroquer. Il
s’abstient de mutiler, d’exécuter, d'enchaîner, d’attaquer les
passants, de piller ou de se livrer à des violences. Il se contente de
la robe qui lui couvre le corps et du bol d’aumône qui lui remplit
l’estomac, et où qu’il aille, il les emporte avec lui. Partout où
va l’oiseau, il vole avec ses ailes. De même, le moine se contente de la
robe qui lui couvre le corps et du bol d’aumône qui lui emplit
l’estomac, et où qu’il aille, il les emporte avec lui.
Quand il se conforme
à l’ensemble de ces disciplines immaculées, il ressent un bonheur
intérieur sans défaut.
Quand il voit
une apparence avec l’œil... quand il entend un son avec l'oreille...
quand il sent une odeur avec le nez... quand il goûte une saveur avec
la langue... quand il sent un toucher avec le corps... ou quand il
connaît un connaissable avec la faculté de connaître, il n’en saisit
pas le signe principal ni les détails
révélateurs qui permettraient à la convoitise, à l’insatisfaction et à
d’autres agents mauvais et pernicieux de l’envahir aussi longtemps que
la faculté correspondante reste incontrôlée. Il s’engage dans ce
contrôle,
protège cette faculté et se consacre au contrôle de cette faculté.
Quand il va vers l'avant ou
vers l'arrière, il agit en toute sagacité2. Quand il regarde devant
lui ou de côté, il agit en toute sagacité. Quand il plie ou étend
les membres, il agit en toute sagacité. Quand il revêt la cape ou la
robe, quand il prend son bol, il agit en toute sagacité. Quand il
mange, boit, mâche ou savoure, il agit en toute sagacité. Quand il
urine ou défèque, il agit en toute sagacité. Quand il marche, quand il
se tient debout, assis ou couché, quand il est éveillé, quand il parle,
quand il se tait, il agit en toute sagacité.
Quand il se conforme à
l'ensemble de ces disciplines immaculées, qu'il possède en outre ce pur
contrôle des facultés et cette pleine conscience vigilante, il se rend
dans un lieu de séjour isolé : forêt, pied d'un arbre, montagne,
grotte, ravin, cimetière, plateau boisé, tente ou paillotte. Là, après
le repas, quand il est revenu de sa tournée d'aumône, il s'assied
jambes croisées, se redresse et fixe sa vigilance devant lui.
En éliminant toute convoitise
pour le monde, il demeure sans convoitise et lave son attention de
toute convoitise. En éliminant le défaut de l’aversion, il demeure sans
aversion, il reste soucieux du bien-être de tout ce qui existe et
respire, et il lave son attention de toute forme d’aversion. En
éliminant l’engourdissement et la torpeur, il demeure sans
engourdissement ni torpeur, il perçoit lucidement, il reste vigilant,
pleinement conscient et lave son attention de tout engourdissement ou
torpeur. En éliminant l’agitation et l’inquiétude, il demeure sans
agitation, son attention reste paisible et il lave son attention de
toute agitation ou inquiétude. En éliminant l’hésitation, il demeure
sans hésitation, il ne se pose pas de questions et lave son attention
de toute hésitation relative aux manifestations bénéfiques.
Quand il a éliminé ces cinq
obstacles3 – ces impuretés de l’attention qui affaiblissent la
sagacité –, c’est seulement en s’isolant du sensoriel, en s’isolant des
agents pernicieux, qu’il accède au premier jhâna – lequel comporte
prise-ferme et application-soutenue et consiste en un
ravissement-félicité né de l’isolement –, et qu’il y demeure. Voilà,
brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata, trace de frottement
du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata. Mais le disciple pur
n’arrive pas encore à la conclusion que le Bhagavā est un parfait
Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien énoncé et le sangha en bon
chemin.
En outre, brahmane,
par la disparition de la prise-ferme et de l’application-soutenue, le
moine accède au deuxième jhâna qui consiste en assurance-sereine
intérieure et en élévation unique de l’esprit, qui est dépourvu de
prise-ferme et d’application-soutenue, et consiste en
ravissement-félicité né de la concentration, et il y demeure. Voilà,
brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata, trace de frottement
du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata. Mais le disciple pur
n’arrive pas encore à la conclusion que le Bhagavā est un parfait
Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien énoncé et le sangha en bon
chemin.
En outre, brahmane,
en se détachant aussi du ravissement, le moine maintient un
regard-neutre. Vigilant et pleinement conscient, il ressent
physiquement le bonheur et accède à ce troisième jhâna à propos duquel
les Immaculés déclarent : “On reste neutre et vigilant dans le
bonheur”, et il y demeure. Voilà, brahmane, ce qu’on appelle empreinte
du Tathāgata, trace de frottement du Tathāgata, lacération gravée par
le Tathāgata. Mais le disciple pur n’arrive pas encore à la conclusion
que le Bhagavā est un parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est
bien énoncé et le sangha en bon chemin.
En outre, brahmane,
par l’élimination du plaisir et l’élimination de la douleur, par la
disparition antérieure des satisfactions et des insatisfactions, le
moine accède au quatrième jhâna, ni désagréable ni agréable, qui
consiste en pureté de la vigilance par le regard-neutre, et il y
demeure. Voilà, brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata,
trace de frottement du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata.
Mais le disciple pur n’arrive pas encore à la conclusion que le
Bhagavā est un parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien
énoncé et le sangha en bon chemin.
Quand son attention est
ainsi concentrée, purifiée, sans tache, sans souillure mineure, qu’elle
est souple, maniable, stable et immuable, il l’oriente vers la
connaissance-remémoration des habitats antérieurs. Il se remémore des habitats antérieurs variés,
à savoir une naissance, deux naissances, trois, quatre, cinq, dix,
vingt, trente, quarante, cinquante, cent, mille, cent mille naissances,
plusieurs ères de destruction, plusieurs ères d’édification, plusieurs
ères de destruction et d’édification : “J’eus là tel nom,
telle lignée,
telle couleur, telle nourriture, je connus tel bonheur et tel malheur,
j’eus telle durée de vie. Quand je décédai, je naquis à un endroit où
j’eus tel nom, telle lignée, telle couleur, telle nourriture, où je
connus tel bonheur et tel malheur, et où j’eus telle durée de vie.
Quand je décédai, je naquis ici”. Ainsi se remémore-t-il des habitats
antérieurs variés avec leurs aspects et leurs désignations. Voilà,
brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata, trace de frottement
du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata. Mais le disciple pur
n’arrive pas encore à la conclusion que le Bhagavā est un parfait
Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien énoncé et le sangha en bon
chemin.
Quand son attention
est ainsi concentrée, purifiée, sans tache, sans souillure mineure,
qu’elle est souple, maniable, stable et immuable, il l’oriente vers la
connaissance de la mort et de la renaissance des être. Avec l’œil divin purifié et plus qu’humain, il
voit les êtres mourant et renaissant, inférieurs ou supérieurs, beaux
ou laids, fortunés ou infortunés. Il reconnaît que le parcours des
êtres dépend de leur kamma : “Les êtres qui se conduisent mal
physiquement, verbalement et mentalement, qui critiquent les Purs, qui
ont des croyances erronées et qui agissent en ayant des croyances
erronées, accèdent, lors de la brisure du corps et après la mort, à une
perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer. Les êtres
qui se conduisent bien physiquement, verbalement et mentalement, qui ne
critiquent pas les Purs, qui ont des croyances justes et qui agissent
en ayant des croyances justes, accèdent, lors de la brisure du corps et
après la mort, à une bonne destinée, un monde céleste.” C’est ainsi
qu’avec l’œil divin... il reconnaît que le parcours des êtres dépend de
leur kamma. Voilà, brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata,
trace de frottement du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata.
Mais le disciple pur n’arrive pas encore à la conclusion que le
Bhagavā est un parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien
énoncé et le sangha en bon chemin.
Quand son attention est
ainsi concentrée, purifiée, sans tache, sans souillure mineure, qu’elle
est souple, maniable, stable et immuable, il l’oriente vers la
connaissance de l'élimination des contaminations. Il connaît en
profondeur, en vérité : “Ceci est le malheur4”. Il connaît en
profondeur, en vérité : “Ceci est la source du malheur”. Il connaît en
profondeur, en vérité : “Ceci est la cessation du malheur”. Il connaît
en profondeur, en vérité : “Ceci est le chemin qui mène à la cessation
du malheur”. Il connaît en profondeur, en vérité : “Ce sont les
contaminations”. Il connaît en profondeur, en vérité : “Ceci est la
source des contaminations”. Il connaît en profondeur, en vérité : “Ceci
est l’arrêt des contaminations”. Il connaît en profondeur, en vérité :
“Ceci est le chemin qui mène à l’arrêt des contaminations”. Voilà,
brahmane, ce qu’on appelle empreinte du Tathāgata, trace de frottement
du Tathāgata, lacération gravée par le Tathāgata. Mais le disciple pur
n’arrive pas encore à la conclusion que le Bhagavā est un parfait
Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien énoncé et le sangha en bon
chemin.
Alors qu’il connaît
cela, qu’il voit cela, son esprit est délivré de la contamination par
les sens, son esprit est délivré de la contamination par l’existence,
son esprit est délivré de la contamination par l’aveuglement. Dans la
Délivrance vient la connaissance : “délivré.” Il sait avec sagacité que
la naissance est détruite, la vie sainte vécue, fait ce qui était à
faire, et rien de plus ici-bas. Voilà, brahmane, ce qu’on appelle
empreinte du Tathāgata, trace de frottement du Tathāgata, lacération
gravée par le Tathāgata. Et c'est à ce stade, brahmane, que le
disciple pur arrive enfin à la conclusion que le Bhagavā est un
parfait Bouddha, que le dhamma du Bhagavā est bien énoncé et le sangha
en bon chemin.
À présent, brahmane,
l’image des empreintes d’éléphant est complète dans tous ses détails.
Ainsi parla le Bhagavā. Et le
brahmane Jāṇussoṇi s’exclama :
– C’est merveilleux, honorable
Gotama ! C’est merveilleux, honorable Gotama ! C’est comme si
l’honorable Gotama avait redressé ce qui penchait, avait révélé ce qui
était caché, avait montré le chemin à l’égaré, et avait apporté une
lampe dans l’obscurité pour que ceux qui ont des yeux voient ! C’est
ainsi de plusieurs façons que l’honorable Gotama a exposé
l’enseignement. Je cherche refuge auprès de l’honorable Gotama, du
Dhamma et du Sangha monastique. Que l’honorable Gotama me considère dès
à présent comme un fidèle qui gardera le refuge aussi longtemps qu’il lui restera
un souffle de vie.
Notes
Introduction : Deux fois par an il y avait une grande fête à Sâvatthi, capitale du royaume du Kosala. Pour la préparer les habitants balayaient les rues et y répandaient du sable, ils disposaient des fleurs, répartissaient des jarres pleines, déployaient des bannières et brûlaient de l'encens. Tôt le matin, le grand brahmane Jāṇussoṇi se lavait et mangeait avant de s'habiller de blanc et de sortir du palais pour monter sur un grand char d'apparat tout décoré d'argent et tiré par quatre juments blanches aux harnachements argentés. Les brahmanes vêtus eux aussi de blanc l'entouraient en portant des parasols blancs. En tête du grand cortège qui s'était assemblé venaient des jeunes gens qui distribuaient des fruits et lançaient des pièces de monnaie. La foule poussait des acclamations et agitait joyeusement des pièces d'étoffe. Le cortège parcourait la ville au milieu des signes de bon augure et les hommes de mérite montaient au palais. Le brahmane sortait ensuite de la ville par la porte sud afin d'en faire le tour en la gardant à main droite. C'est à ce moment qu'il aperçut Pilotika, un jeune homme du clan Vacchāyana, qui revenait vers la ville après avoir servi le Bhagavā et les grands confirmés.
1. Mon foyer est encombré et poussiéreux : Les obstacles à la vie sainte sont nombreux au foyer, et les poussières de l'attachement, de l'aversion et des illusions y salissent toutes choses.
2. il agit en toute sagacité : Quand il va, ou se penche, dans telle ou telle direction, il le fait sans perdre de vue sa pratique, il considère si ce mouvement est bon pour sa pratique. Il n'imagine pas que quelqu'un avance ou recule, mais il voit qu'une action mentale guide l'élément vent, lequel meut le composé corporel.
3. il a éliminé ces cinq obstacles : L'élimination des cinq obstacles caractérise la "concentration de proximité". Il faut cultiver ensuite l'art de l'insertion pour atteindre le premier jhâna (premier niveau d'absorption contemplative).
4. le malheur : il s'agit de dukkha, le malheur que constitue la succession ininterrompue des instants de conscience et qui englobe tous les autres malheurs, souffrances, douleurs, plaisirs, etc..
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